Portrait : Christelle Bardet
CHRISTELLE BARDET
L’esthète discrète
BORDEAUX
La première fois où mon regard a croisé un tableau textile de Christelle Bardet, créatrice de la marque de décoration intérieure Jacques Design, j’ai eu comme un électrochoc. Minimaliste, graphique, hors-du-commun, singulier, arty… pour moi, il cochait toutes les cases de LA pièce forte à avoir dans sa maison. Il a ensuite allumé à l’intérieur de moi une lumière de curiosité. Qui avait imaginé et conçu cet objet si particulier ? Comment l’idée d’assembler de petits morceaux de tissus unis et de concevoir ces maisons plus étonnantes les unes que les autres avait-elle germé ? Qui se cachait derrière ce mix coloré de carrés et rectangles de lin ?
« Pourquoi Jacques? En hommage à un membre de ma famille, représentant de commerce dans le textile haut de gamme dans les années 70, une des périodes qui me passionne. »
Hasard ou coïncidence, Christelle est bordelaise et habite à quelques rues de chez moi. C’est avec une grande simplicité et gentillesse qu’elle m’a ouvert les portes de son atelier et qu’elle m’a raconté son parcours et celui de Jacques.
D’aussi loin qu’elle se souvienne, la girondine pure souche a toujours voulu être styliste de mode. Née à Talence, elle a grandi dans les environs de Langon qu’elle quitte après son bac pour entrer en BTS Stylisme de Mode doublé d’une formation en infographie au CAI à Tourcoing dans le Nord de la France. Son diplôme de styliste en poche, elle reste dans le berceau de l’industrie textile et travaille dans la mode enfantine à La Redoute puis chez Petit Boy. Elle revient ensuite à Bordeaux et travaille quelques années dans un groupe qui finira par péricliter. C’est en 2017 qu’elle saisit l’opportunité de pouvoir voler de ses propres ailes. Elle prend alors le temps de suivre son envie de développer une gamme de coussins comme support de ses dessins et établit un cahier des charges bien défini : du Fabriqué en France de qualité dans le respect de l’environnement et de l’humain, une sélection de matières naturelles et écologiques et des fournisseurs proches de sa région. Après des mois de recherches intenses, son choix se porte sur un fournisseur de lin centenaire en Belgique, un imprimeur de motifs utilisant des encres oeko tex de classe 1 et un atelier de confection dans les Ardennes.
« Le lin est une fibre locale et écoresponsable. Il n’a pas besoin d’irrigation autre que l’irrigation naturelle et il n’aime pas les pesticides, ce qui fait que sa culture (sur une bande côtière allant de la France à la Hollande) a très peu d’impact négatif sur l’environnement. Ses qualités environnementales sont multipliées et son bilan carbone diminué quand la fibre est transformée en tissu en Europe. »
Dans l’atelier de Christelle.
Une de ses premières créations. Crédit photo : C.B.
Le succès de ses coussins, tentures en lin et art-print papier, disponibles sur un e-shop dédié et visibles sur Instagram, ne se fait pas attendre. Des boutiques de prestige (Le Bon Marché à Paris, le concept-store bordelais Yvonne) et la presse frappent vite à sa porte.
Courant 2020, quelques petits morceaux de lin de couleurs unies traînaient sur un coin de son bureau. Hors de question de les jeter à la poubelle ! Cette grande amoureuse de l’architecture moderniste et brutaliste les assemble donc innocemment sans trop réfléchir. Très rapidement, ce patchwork d’échantillons lui fait penser à des maisons et elle se prend au jeu de façonner des architectures et des petits paysages. Impossible pour elle de s’arrêter, depuis ! Un grand nombre de tableaux pièces uniques voit le jour et ne cesse de se vendre comme des petits pains.
Christelle développe actuellement un nouveau produit mais chut ! C’est encore top secret… Sa promesse : Donner sens aux objets qui nous entourent en créant des produits modernes qui suscitent une émotion.
Mission accomplie !
Où trouver Jacques ?
e-shop
Instragram
« Ce que je ne voulais pas,
c’était partir pour exploiter des gens à l’autre bout de la planète
et ne pas pouvoir suivre mes productions. »
« Je n’ai jamais voulu être architecte mais j’aime surtout l’architecture d’une certaine période (années 30, 50, 60, 70) où il peut y avoir des choses absolument démentes. Antoine, mon compagnon, a sûrement dû révéler cette appétence aussi car c’est un passionné depuis toujours… on avait l’habitude des virées en voiture pour aller débusquer de nouvelles maisons à l’époque où cela n’intéressait pas grand-monde… je notais toutes les adresses et me faisais des répertoires de maisons sympas. »
Portrait chinois
Quelle enfant étais-tu ?
J’étais joyeuse, sérieuse parce qu’il fallait que je travaille bien à l’école et plutôt sociable.
Tes valeurs? Quelle empreinte veux-tu laisser ?
Je fais attention aux autres et j’essaie de bien faire les choses. J’ai une conscience écologique, éthique et je suis soucieuse des conditions de travail dans les entreprises avec lesquelles je collabore.
D'où vient ton inspiration ?
L’architecture, l’art, la culture et le design du 20ème siècle (des années 30 à 80).
Ce que les gens ne savent pas sur toi ?
Je peux beaucoup douter. Je peux passer des journées à douter sur des babioles.
Si tu étais un animal, tu serais ?
Un chat bien traité chez des gentils humains (tant qu’à faire !).
Ta devise ?
Je n’en ai pas.
Endroits que tu préfères à Bordeaux ?
Mériadeck car c’est un endroit vraiment isolé du reste et atypique et son concept est génial.
Le Cimetière de la Chartreuse (rue François de Sourdis), il y a des tombes vraiment étonnantes et c’est peinard 🙂.
La Chapelle de Grand-Lebrun (2 rue de la Cape).
Le CAPC (7 rue Ferrère).
L'objet qui ne te quitte jamais?
Ma bague.
Si tu devais mourir demain, tu ferais quoi?
Je passerais la journée avec Antoine, mon conjoint, et mes parents.
Tes passions?
Regarder et chiner des vieux livres d’architecture et de déco, trouver des objets.
Tes livres et musiques préférés ?
En ce moment je lis ou regarde les images de livres sur l’architecture et le design.
Un des derniers livres que l’on m’a offert : Sophie Taeuber-Arp “Living Abstraction”.
Un des livres que j’ai pris plaisir à lire, la biographie de Charlotte Perriand de Laure Adler.
Et parmi la pile de livre à coté du canapé, il y a deux livres que je feuillette souvent c’est « Villas Modernes du Bassin d'Arcachon » et "Abraham & Rol” chez Norma éditions.
Pj Harvey.
Chain Reaction de Diana Ross : ce morceau-là me fait sourire et me donne la pêche.
Louis armstrong "We have all the time in the World ».
Les trois projets dont tu es la plus fière aujourd'hui?
- La création de Jacques.
- Ma maison, j’ai réussi à me construire un petit nid, un univers qui me ressemble.
- Me mettre au sport : je cours depuis un an trois fois par semaine et j’adore ça.
Ta prochaine première fois ?
Aller à Venise très prochainement.
Collage inspiré par Christelle.
Le petit plus : Un moment choisi de la conversation que j’ai eue avec Christelle (le rire très sonore, c’est cadeau…) et que j’ai trouvé drôle de vous faire écouter. C’est au sujet d’une curiosité qu’elle a croisée lors d’une de ses ballades au Cimetière de la Chartreuse à Bordeaux.